Creusot-Montceau

Passé, présent et futur industriel : retour sur une stratégie de maintien des industries

Avec du charbon à fleur de sol, du minerai de fer à peu de distance et, comme moyen de transport, le canal du centre qui unit la Saône à la Loire, la situation géographique du Creusot et de Montceau-les-Mines a scellé un destin industriel. Le territoire développe l’industrie houillère jusque dans les années 1980, avec l’implantation de l’entreprise Schneider en 1837, qui acquiert l’Unité Traction de Creusot-Loire en 1984. Le territoire s’est développé autour d’une mono-industrie dont il dépend entièrement – la sidérurgie et les constructions mécaniques – portées par le groupe Creusot-Loire. À son apogée, celui-ci comptait 33 824 salariés, dont 8 883 dans les usines du Creusot et 689 à Montchanin.

Ce développement industriel concerne d'autres territoire de la Communauté Urbaine, tel que Montceau-les-Mines avec son activité minière de charbon dès le début du XIXe siècle. Symbole de ce passé minier, la centrale thermique de Lucy construite dans les années 1960, est toujours visible dans le paysage. Cette centrale fonctionnant principalement au charbon, a joué un rôle crucial dans le développement économique local, fournissant de l'électricité à une large partie de la région et créant de nombreux emplois.

Suite au second choc pétrolier, le groupe Creusot-Loire se retrouve en liquidation judiciaire en 1984, du fait, notamment, de sa dépendance à l’égard des marchés de l’énergie. Cette situation provoque d’importantes mobilisations syndicales, politiques et économiques.

Plutôt que « de se résigner » (David Marti, Président de la Communauté Urbaine
Creusot-Montceau), la stratégie économique locale oriente la filière vers les industries de « niche » : des activités industrielles ciblées et de pointe plus concurrentielles.
En misant sur une industrie centrée sur la recherche et le développement (R&D) et la production de haute technologie, le territoire compte désormais de nombreuses industries : Alstom dans le ferroviaire, General Electric et Framatome dans les turbines et compresseurs, Michelin dans les produits de génie civil et de défense ou encore Safran dans les moteurs d’avion et ArcelorMittal dans les aciers spéciaux (aciers inoxydables boratés) pour le
nucléaire. Les différents sites ont changé de propriétaire, certains ont connu d’importantes restructurations, de nouvelles industries se sont implantées, mais le territoire conserve son coeur de métier : l’industrie manufacturière.

Ce sont les habitants eux-mêmes, qui font la force principale du territoire. Depuis plusieurs générations, les habitants alimentent un bassin d'emploi aux compétences industrielles pluridisciplinaires qui bénéficie d’une image valorisante, ce qui renforce encore l’ancrage et l’importance de ces activités dans la région.

Le renouveau d'un territoire industriel

Bénéficiant de son histoire, le Creusot-Montceau détient un grand nombre des ingrédients de la réindustrialisation : les locaux d’activités, le foncier industriel, une main-d’œuvre qualifiée qui n’a pas perdu sa vocation industrielle et un développement centré sur des industries productives. En construisant un tissu industriel diversifié, le territoire se distingue à l’échelle nationale avec une part des emplois dans l’industrie de 23,4 %.

Aujourd’hui, l’industrie creusotine-montcellienne ne relève plus exclusivement de la sidérurgie. Elle s’est fortement diversifiée grâce à une pluralité de filières industrielles avec des établissements d’Alstom Transport, de Framatome, de BSE, d'éole France, de Haulotte, d’Industeel France (filiale d’ArcelorMittal), de NFM Technologies, de Safran Aircraft Engines, de Thermodyn (filiale de Baker Hughes). Ainsi, elle se positionne sur des marchés industriels à forte valeur ajoutée tels que l’aviation, la sidérurgie, la défense, l’énergie…

L’industrie locale travaille à son indispensable décarbonation, en dépit d’une activité centrée sur des productions hyper-carbonées avec par exemple, Industeel groupe ArcelorMittal, qui produit des aciers de plus en plus décarbonés. Le site du Creusot a notamment investi dans une coulée verticale pour solidifier l’acier au fur et à mesure plutôt qu’en ayant recours aux moules en fonte traditionnels. Avec ce procédé, inédit en France, l’industrie réduira de 40 % sa consommation de gaz naturel. Ce nouvel outil, développé par le service R&D, prendra place dans un bâtiment de près de 50 mètres de haut et entrera en fonctionnement au printemps 2025.
Alstom s’engage également dans la transition environnementale en réduisant de 15 à 20 % le poids de ses bogies contribue, ce faisant, à ce que les TGV soient plus légers et donc moins énergivores… Thermodyn est quant à lui un acteur essentiel de la transition environnementale, puisqu’il produit les turbines vitales pour développer la cogénération et la production d’électricité verte.
C’est également le cas de Safran, qui fabrique le nouveau disque de turbine, le LEAP, qui rend les moteurs d’avion moins énergivores.
Le territoire accueillera la start-up industrielle Jimmy, qui développe et produira sur le territoire ses microréacteurs nucléaires, lesquels seront utiles aux industries, notamment agroalimentaires, pour privilégier et adopter une énergie décarbonée.
Le Creusot-Montceau renforce ainsi son attractivité industrielle avec des entreprises qui poursuivent leurs investissements et participent à attirer de nouveaux investisseurs.

Ce territoire peut être perçu comme un « baromètre », illustrant les mouvements en cours au sein des industries émettrices à haute technicité française, qui s'engagent elles aussi sur la voie de la décarbonation face à la compétitivité mondiale de ces filières. Cette dynamique présente au sein du Creusot-Montceau souligne également la nécessité, pour ces industriels aux marchés internationaux, de s’ancrer localement dans des territoires.

La construction d’un équilibre territorial

Le maintien et le développement des activités industrielles sur le territoire du Creusot-Montceau au fil de ces dernières décennies s’expliquent notamment par la coopération développée entre les acteurs publics et privés. L’intercommunalité a mis en œuvre plusieurs outils pour favoriser des échanges avec les entreprises au bénéfice de leur développement. La Communauté Urbaine Creusot-Montceau (CUCM) dispose d’un pôle dédié au soutien du secteur industriel accompagnant financièrement et matériellement, notamment sur le foncier et l’immobilier.

Par ailleurs, les entreprises sont incluses dans l’élaboration de la stratégie économique du territoire, ce qui contribue à renforcer leurs liens avec la communauté urbaine. Les « Assises de la relance économique » sont une traduction de cette collaboration. Créées avec les principaux acteurs économiques du territoire, ces « assises » sont l'occasion de déterminer les besoins en termes de développement et d’attractivité et de faire émerger 50 actions pour accompagner le rebond économique que connaissent le territoire et les industriels. L’une d’entre elles a consisté à donner des moyens d’intervention à la Société d'Economie Mixte pour la Coopération Industrielle en Bourgogne (SEMCIB) sur l’ensemble du territoire, à la fois en matière de réhabilitation de friches industrielles et d’implantation de sociétés au sein de bâtiments neufs. En parallèle, l’intercommunalité a également créé l’Agence écosphère, qui assure l’animation et le développement des filières industrielles sur son territoire.

Les outils de coopération et cette volonté de la part des acteurs publics locaux d’accompagner les industriels contribuent à renforcer le processus de réindustrialisation en cours sur le territoire.

La Communauté Urbaine Creusot-Montceau entend ainsi concilier les développements économique, social et urbain de son territoire. Les entreprises expriment un besoin conséquent de main-d’œuvre qualifiée et peinent aujourd’hui à recruter. Tout l’enjeu des acteurs publics est alors de créer des conditions favorables au maintien et au développement de ces activités. A l’aube du rebond de l'industrie en Europe, l’agenda politique se déplace désormais vers les nouvelles conditions d’accueil des industries. Le spectre élargi des aménités requises pour l’épanouissement des acteurs industriels comprend, peut-être plus que jamais, les secteurs essentiels de la fabrique de la ville : logement, services, équipements, éducation, accessibilité. L’intercommunalité travaille ainsi avec des acteurs de l’immobilier pour la construction de logement répondant aux besoins de la population : proximité avec la ligne TGV, espaces extérieurs… – et développer l'attractivité résidentielle afin de soutenir ce renouveau de l’industrie sur son territoire.

Même s’il n’y a pas qu’un modèle, la réussite industrielle locale repose sur une vision holistique du territoire, où chaque composante, de l'urbanisme à l'éducation, contribue à la création d'un environnement propice à l’industrie et à l'innovation.